Entretien avec Jean Duvernoy
A l'occasion de la parution du livre-hommage à Jean Duvernoy, Les Cathares devant l'Histoire, voici un extrait de l'entretien que ce spécialiste du catharisme a accordé à Histoire et images médiévales (Hors-série n°1), où l'historien nous parle de sa vie et de sa passion.
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Jean Duvernoy, historien spécialiste du catharisme et de l'Inquisition. | Ayant suivi une formation en droit, que vous avez rapidement mise en oeuvre dans le milieu professionnel, quels ont été les motifs qui vous ont conduit à entreprendre des recherches sur les hérésies médiévales, et le catharisme en particulier, et comment avez-vous pu conjuguer votre activité professionnelle et l'investissement que nécessitaient vos investigations historiques ?
Je ne suis pas un autodidacte méritant. J'ai suivi un cursus de doctorat d'Histoire du droit à une époque où les effectifs étaient tels qu'il s'agissait moins de cours que de leçons particulières. Et l'on sortait du lycée, à l'époque, avec une bonne maîtrise du latin et du grec.
L'importance de ce registre a d'ailleurs motivé la publication d'une troisième édition, très récemment, par la Bibliothèque des Introuvables. Mais vous avez réalisé une vingtaine d'autres éditions et traductions de documents médiévaux sur le hérésies de cette période : quels sont les axes de recherche que ces documents vous ont permis de développer ?
Ces documents concernent essentiellement les cathares, les vaudois et les franciscains qui voulaient conserver la pratique de la pauvreté et leurs tierçaires, les béguins et béguines.
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Cliquez sur l'image pour ouvrir le site Internet de Jean Duvernoy. | À la rigueur scientifique dont vous faites preuve, vous associez le souci de mettre à la portée du plus grand nombre les sources que vous avez étudiées. Votre site Internet s'enrichit ainsi progressivement de nouvelles transcriptions et traductions de chroniques, registres et autres sources médiévales : quels sont les prochains textes que vous projetez de mettre en ligne ?
Le dossier complet des troubles soulevés à Carcassonne et à Albi par les procédures de l'inquisiteur Jean Galand et de ses successeurs, ces procédures et le rapport fait sur elles au pape vers 1330, qui encadrent l'extraordinaire carrière de Bernard Délicieux.
Beaucoup d'éminents spécialistes des hérésies médiévales, du catharisme tout spécialement, considèrent que vous êtes « pionnier » ou « fondateur » d'une nouvelle forme de recherche historique en la matière, et ils vous rendent d'ailleurs hommage à travers le volume de mélanges qui vous est offert. Pouvez-vous nous expliquer en quoi vous pensez vous être démarqué des méthodes utilisées auparavant ?
Probablement parce que j'ai transcrit en entier un certain nombre de textes et les ai publiés avec des index. Mais c'est là un travail servile, sans rapport avec la véritable recherche, telle celle d'Antoine Dondaine, un dominicain français qui a découvert un bon nombre de textes d'époque, émanant parfois des cathares ou des vaudois eux-mêmes. Avant lui on pourrait citer H.C. Lea qui, pour son History of the Inquisition of the middle ages de 1888, avait tout vu de ce que l'on connaissait alors ; ou Ignaz v. Döllinger, qui avait relevé dans toutes les bibliothèques d'Europe les manuscrits concernant les hérésies.
Quels sont les domaines des hérésies médiévales qui restent encore à investir ?
L'Espagne reste encore peu explorée. Les quelques citations que l'on relève dans le vieux manuel de l'inquisiteur Nicolas Emmerich montrent qu'après les vaudois, la Catalogne a connu un mouvement franciscain analogue à celui du Languedoc, avec sans doute autant de victimes. Il cite un béguin qui a été une première fois « à moitié rôti » (semi assatus), probablement parce qu'enlevé du bûcher par la foule, puis brûlé dix ans après, définitivement. |